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REPLIQUE D'UN BERCEAU DU QUEYRAS

REPLIQUE D'UN BERCEAU DU QUEYRAS

1/4 la prise de mesures du berceau original au Musée Muséum Départemenatl

Pour décrire et comprendre le montage et le temps de réalisation d'un objet traditionnel de la collection, nous avons choisi de confier à Valérie VERGER, Me ébéniste d'art et aussi professeure des métiers d'art option ébénisterie d'art, la réalisation d'une réplique en pin, d'un berceau du Queyras.

L'objectif poursuivi est de rendre compte de cet art populaire montagnard, incarné dans des savoir-faire répondant à la fois aux besoins de la vie en hautes vallées et à une expression culturelle pastorale avec les motifs de cercles, étoiles, rosaces, cœurs, croix, tresses, frises dentelées, sculptés dans le bois de pin cembro.

Notre préoccupation devant un tel objet décoré et sculpté le plus souvent avec des motifs au couteau, est d'éviter la copie pour tenter de le refaire à la manière de, et uniquement à la main.

Ici il s'agit de renseigner un patrimoine et d'en relever les dimensions, les dessins et assemblages pour en comprendre la conception puis de le placer sur le parcours du visiteur afin que chacun puisse le toucher et le percevoir en entier, en regard de l'original protégé.

La réplique montée est accompagnée des différents éléments non assemblés pour permettre de comprendre comment passer de la planche à l'objet fini.

Cet aspect pédagogique est décliné sur des temps de visites et d'ateliers proposés aux visiteurs.

Au-delà, il importe d'inviter les publics mal voyants et aveugles à découvrir du bout des doigts, quelques pièces choisies dans cette exceptionnelle collection d'objets et de mobilier du Queyras conservée au Musée muséum départemental des Hautes-Alpes à Gap.

Un film accompagne cette démarche.

2/4 le début du travail

BERCEAU DE PORTAGE XVIII ème SIECLE

Un berceau est le lit dans lequel dorment les nourrissons.

Dans le Queyras, le berceau est le seul meuble du foyer réalisé après que l’enfant est né, jamais avant ! En effet, les Queyrassins étaient très croyants et superstitieux !

Le berceau du musée départemental de Gap est en bois de pin cembro massif.

C’est une essence disponible dans les Alpes et notamment dans la vallée du Queyras.

Cet arbre est présent à une altitude comprise entre 1700 et 2400 mètres et a la particularité d’avoir des aiguilles réunies par 5.

C’est un bois d’une densité comprise entre 0.4 et 0.5 qui en fait une essence (de ?) bois très légère et facile à sculpter aussi bien à la gouge qu’au couteau.

Le bois employé pour les flancs est issu de la dosse de la grume tandis que les côtés sont fabriqués avec du bois sur quartier.

Le fond est en bois de dosse en pin cembro

3/4 l’assemblage

La plupart des ornements présents sur le meuble sont travaillés en employant la technique de la gravure (levée de fond ou en coches) soit en utilisant des gouges (côtés) ou bien un couteau forgé (flancs) qui provient d’un taillandier.

Une demi-marguerite développée gravée présente sur les deux côtés possède en son cœur un défonçage permettant de créer une poignée pour une préemption du berceau.

Pour agrémenter les demi-fleurs et ainsi créer du contraste, des gravures géométriques (dents de loup) sont réalisées en périphérie de ces dernières au couteau.

A ce stade de l’analyse de notre objet, on peut facilement déduire que notre artisan ne possède pas tout un jeu complet de gouges avec les différents « Pas » (forme des cintres et grandeur).

En observant de plus près les fonds des pétales, on peut voir des traces d’une gouge de Pas n° 9 (cintre très serré) de 8 mm de large et non l’utilisation d’une gouge demi-creuse large (15 mm) qu’il aurait fallu employer afin d’éviter de marquer le fond.

Mais une attention particulière est portée sur l’un des deux côtés par la présence en plus de l’ornementation de base (demi-marguerite) d’une inscription gravée elle aussi au couteau et non au burin.

W . I. B. I . A et l’année 1760.

Pour comprendre cette inscription, la première lettre (w) symbolise (que vive).

On voit bien que le commanditaire du meuble ou bien l’artisan qu’il l’a fabriqué souhaite longue vie à l’enfant à qui le berceau est destiné à une période où le taux de mortalité infantile était malheureusement élevé.

Les lettres qui suivent peuvent avoir 2 interprétations différentes :

- initiales des époux commanditaires du meuble fait par un artisan

- initiales du fabricant et de son épouse

Mais dans les deux cas, les lettres révèlent l’identité du ou des propriétaires du meuble.

La police employée ressemble à du Garamond réinterprétée par Jean Jannon au XVIIème siècle.

La lettre E, plus petite, coincée entre les lettres B et I, a été rajoutée au-dessus d’un point après la fabrication du côté. Elle respecte la police initiale.

Concernant la date de fabrication ou bien de livraison (1760), les trois derniers chiffres correspondent à la même police Garamond mais pas le premier chiffre (1).

En effet, celui-ci aurait dû être inscrit en chiffre arabe mais pas en chiffre romain (I) comme c’est le cas sur notre meuble.

Puis le nom de « Mélanie » est gravé plus naïvement avec une police plus contemporaine sur un flanc : cela correspond bien à cette notion de chaine de transmission du mobilier dans les familles du Queyras.

Passons aux flancs

Ils possèdent des ogives gravées au couteau ainsi que des trous de forme triangulaire qui nous rappellent directement la forme des dents de loup gravées sur les côtés.

Ces enfoncements en claire-voie permettent de pouvoir y insérer un ruban afin de pouvoir maintenir l’enfant attaché au berceau pendant son transport. On peut y voir les prémices du harnais de sécurité !

Une moulure située en partie supérieure des flancs est usinée avec un tarabiscot fabriqué à partir d’une chute de bois et d’un morceau de métal. Sa profondeur est de 4 mm par rapport au point O.

4/4 l'arrivée au MMd

Puis pour terminer

Le berceau original ne montre pas la présence de colle d’origine animale (os, nerf, poisson).

Ce dernier est donc assemblé mécaniquement par des assemblages tenons et mortaises débouchants montés en force pour assurer un blocage des éléments les uns avec les autres.

Mais toutefois, on note la présence de chevilles coniques montées à blanc sur les côtés (sans colle) permettant par leur forme un blocage de l’assemblage coté avec flancs.

Des rainures de 3 mm de profondeur correspondant à la largeur des flancs sont usinées dans les côtés.

On notera ici une astuce que possédaient déjà les artisans queyrassins pour cacher les mauvaises coupes de longueurs des flancs au niveau des arasements des tenons.

Le fond est maintenu aux côtés aussi avec l’assemblage tenon et mortaise débouchant.

Les chants de ce dernier sont inclinés permettant d’épouser parfaitement l’inclinaison des flancs et en même temps d’assurer un blocage.

Des clous en fer forgé (production plus tardive que la fabrication du berceau) assurent un renfort d’assemblage du fond avec les flancs.

Les côtés monoxyles ont la particularité de posséder des patins chantournés à la scie manuelle afin de pouvoir assurer un balancement du berceau.

Cette forme arrondie en arc de cercle est réalisée avec une scie manuelle à chantourner dont la lame moins large permet de « tourner » dans le bois.

La finition du meuble est assurée grâce à une teinture au brou de noix naturelle et de cire d’abeille.

Ainsi, d’apparence simple au premier regard, ce berceau nécessite une technique assez poussée dans le travail du bois et notamment en menuiserie puis en sculpture sur bois ornementale.

(le seul bémol présent est dans la réalisation des gravures qui nécessitent un jeu important d’outils que notre artisan ne possédait sûrement pas à cette époque).

Texte : Valérie VERGER, Me ébéniste d'art et aussi professeure des métiers d'art option ébénisterie d'art.

Réalisation d'une réplique en pin d'un berceau du Queyras.

Avec l'aimable participation de Frédérique POISSONNIER

Vidéo MMd05 2019

AVIS AUX PUBLICS

Les collections présentées sur cette page, bien que faisant partie du fonds permanent du Musée muséum départemental, sont susceptibles de ne pas être exposées lors de votre visite.
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